Instinct maternel

Hier a été une grosse journée de préparatifs mais ce matin, il faut fignoler tous les détails. De nombreux enfants et adolescents sont arrivés dans la capitale sans leurs parents - eh oui, on n'abandonne pas ses bêtes sous prétexte qu'il y a un anniversaire à fêter. On vous a confié la jolie mission de vous occuper de cette ribambelle de marmots ! Pour les occuper, ils ont de grandes banderoles à décorer en vue de la grande fête qui aura lieu cet après-midi.
Lian, elle-même maman, a placé son fils au milieu des autres enfants, mais impossible pour elle d'être tranquille ! Visiblement, le petit est collé aux jupes de sa mère et ne veut pas qu'elle approche d'autres enfants.
Thien Hou, elle, se retrouve un peu dépassée par les événements. Untel a décidé que la peinture était comestible et puis il y a son petit camarade qui tente coûte que coûte de s'enfuir. Heureusement, Min Ha est assez disponible pour prêter main forte à sa collègue. D'ailleurs, elle a bien remarqué que Lian et Thien Hou semblent se connaître. Cela l'intrigue, mais elle ne serait pas assez impoli pour les questionner sur le sujet.
A vrai dire, elle est bien trop occupée à gérer ce groupe de joyeux bambins pour penser très longtemps à autre chose. Si seulement son époux voulait bien devenir papa !
En sommes, de bien petits tracas, mais la journée ne fait que commencer..!

Ces enfants étaient absolument adorables. Je n'aurais pas pu rêver mieux comme occupation pour cette journée si spéciale. Thien Hou et moi étions ensemble et nous avions donné des consignes à nos équipes. En effet, l'hôpital n'était pas loin, alors si une urgence se présentait, on devait venir nous chercher. Mais pour l'instant, il n'y avait aucune catastrophe à l'horizon. Le temps était même clément, ce qui était surprenant et appréciable en période de mousson.

Sans relâcher mon attention, j'essayais d'aider Thien Hou qui se débattait avec un bambin récalcitrant. Il ne voulait sous aucun prétexte lâcher les cheveux de sa petite soeur qui pleurait mollement - signe qu'elle ne devait pas avoir si mal que ça. Nous y parvînmes au prix de quelques efforts, puis je lâchai un soupir, sans me départir de mon sourire pour autant. « Ils sont vraiment mignons. » Je jetai un petit coup d'oeil à la troisième femme censée nous aider. Son petit bout de chou refusait apparemment de la partager, ce qui me tira un rire attendri, tandis que je parlais pour Thien Hou : « Vous croyez qu'il va la lâcher ? »  Il ne fallait pas être devin pour noter à quel point tout cela me faisait envie. Jae Soo et moi étions loin de répondre au besoin familial de l'Etat. Mon époux commençait seulement à s'intéresser à moi - ce qui était d'ailleurs étrange - alors avoir des enfants semblait être un rêve inaccessible pour le moment. Je m'excusai auprès de Thien Hou, la laissant gérer un petit groupe d'enfants. L'un des plus petits réclamait de l'attention, aussi j'accourus pour le prendre dans mes bras.

Ce faisant, je m'approchai de Bae Lian. « Vous vous en sortez ? » Je ne connaissais pas cette femme mais je pouvais déjà parler de tout ce qu'elle m'inspirait. Sa beauté était indéniable. Elle dégageait une aura qui incitait à la confiance et puis, de toute façon, je ne pouvais qu'apprécier une maman aussi prévenante qu'elle.

En sortant de chez elle, Lian avait observer le ciel. Bien que la préparation de l'anniversaire du Dictateur ne lui plaisait absolument pas, la vue du beau temps lui remonta le moral. Puis, elle allait s'occuper d'enfants aujourd'hui ce qui lui faisait plaisir. Elle posa Shaiwei sur sa hanche et partit vers le lieux de confection des banderoles. Son petit jouait avec ses cheveux longs alors qu'elle riait doucement devant sa bouille. Elle se rendit vite compte de la tâche à accomplir lorsqu'elle aperçut les enfants. Elle reconnut même des élèves. Elle posa Shaiwei à terre alors qu'elle saluait les personnes présentes. Elle allait travailler avec deux jeunes femmes, toutes les deux en fonction à l'hôpital puis une surtout qui était sa petite soeur chérie. Thien Hou. Elle sourit d'ailleurs en la voyant un peu dépassé par les petits bouts de choux.

Lian n'avait même pas le temps de s'occuper trente secondes d'un enfant que son fils se mettait à chouiner pour avoir son attention. Le problème d'être un peu trop protectrice avec son rejeton. Il finissait toujours par se plaindre quand il était jaloux. Il marchait à peine donc il s'appuyait sur les autres pour rejoindre sa maman si elle était trop loin. A peine un mètre cinquante, faut le dire. La chef des rebelles n'avaient même pas eu le temps de parler à Thien Hou, ni à la jeune femme avec elle. Mais c'est celle ci qui s'approcha.

« Vous vous en sortez ? »

« J'aimerai dire que oui. Mais ce fripon ne veut pas quitter mes jambes. » Puis il allait finir par lui arracher les dentelles en bas de sa robe. Lian l'attrapa dans les bras et le petit fit un grand sourire à son interlocutrice. « Ce charmeur...Je m'appelle Lian. Enchantée. Et lui c'est Shaiwei. Vous voulez le prendre? »

Ca lui donnerait une occasion de voir Thien Hou un peu. Puis elle regardait avec tellement d'envie son fils qu'elle ne resta pas insensible à la détresse dans les yeux de la médecin.

L'anniversaire du dictateur... C'était typiquement le genre d'évènements durant lesquels Thien Hou prenait soin de se murer chez elle, histoire d'éviter de subir les odes au tyran, les chants et spectacles à la gloire du régime qui retournaient ses entrailles. Elle ignorait ce qui était le plus dur pour elle dans ces moments là : s'empêcher de pleurer ou se retenir de commettre un attentat... Mais elle avait reçu des consignes. De la part de l'hôpital : elle devrait assurer l'encadrement des groupes d'enfants aux côtés du docteur Kim. De la part de Deweï : elle devrait se tenir tranquille à défaut de faire bonne figure.

Parfait...
Ce n'était pas que Thien Hou n'aimait pas les enfants, elle s'occupait de beaucoup de petits patients aux urgences... Mais gérer un groupe était complètement nouveau pour elle. De plus, l'ambiance festive les excitait au plus haut point. Thien Hou sentait qu'elle allait passer la journée à les empêcher de se battre ou de s'étouffer en avalant toutes sortes d'objets incongrus. Min Ha semblait aux anges, au milieu de ces gamins turbulents qu'elle qualifiait de "mignons". Elle répondit avec un ton de sarcasme amusé :

- Je dois reconnaître qu'ils sont gentils, pour un troupeau de dinosaures...

Min Ha ne quittait pas Lian - qui était également assignée à la surveillance des enfants, et son fils des yeux. Thien Hou sentait que ce petit bébé attirait énormément le docteur Kim.

« Vous croyez qu'il va la lâcher ? »
La jeune médecin ne put retenir un petit sourire :
- Rien n'est moins sûr.

Min Ha s'esquiva pour aller voir Lian et son bébé. Thien Hou regarda quelques instants sa plus-que-soeur et son fils se présenter au docteur Kim. Elle-même n'avait pas encore eu une seconde de répit pour aller les voir. Thien Hou adorait Shaiweï, le fils de Lian et Deweï, et pouvait passer des heures à s'occuper de lui. Ils ne partageaient aucun lien de sang, mais cet enfant représentait tellement à ses yeux... Il était l'incarnation de l'avenir perdu de Shaiming, tout en étant le plus joli cri d'espoir de leur famille désarticulée.

Presque immédiatement happée par le groupe d'enfants qui avaient décidé d'utiliser les jouets comme objets contendants, elle s'évertua à leur proposer un activité.

- Bon les gnomes ! Qui est prêt pour le grand concours de pâte à modeler ?

J'avais le petit dans les bras. Ce dernier s'était aussitôt arrêté de pleurer. Je n'avais pas mis longtemps à le rendre à son groupe, avec le sourire. Il cherchait sa maman, alors je lui avais expliqué qu'elle reviendrait très vite le chercher. En attendant, il devait, comme tous les autres, décorer ces grandes bandes de tissu. Je devinais qu'aucune ne serait vraiment terminée pour le moment crucial... Tant pis, cela les aurait au moins occupé.

J'approchai de Lian, laissant Thien Hou se dépatouiller avec ses petits dinosaures, et souris tendrement en voyant l'enfant à la mine réjouie. Je m'inclinai comme la maman se présentait.« Et moi Min Ha. Je peux ? » Un brin surprise, je ne cachai pas ma joie quand je tendis les bras vers le petit. Quand ce dernier fut contre moi, je lui souris largement. « Bonjour Shaiwei ! Qu'est-ce que tu dirais de venir t'occuper des copains avec moi ? » Remercier l'adorable maman aurait sûrement été trop, aussi je m'en abstins. Mon attention fut soudain attirée par des cris excités derrière moi.

Les enfants étaient visiblement très partants pour l'idée de Thien Hou, ce qui me fit rire. Sans lâcher le petit Shaiwei, je m'approchai pour aider ma collègue à réorganiser un peu les choses. Il fallait pousser les banderoles et parvenir à canaliser toute cette énergie. Je pris place en bout de table et posai le fils de Lian sur mes genoux, le sécurisant d'un bras. De l'autre, j'aidais les enfants à s'installer et sortais la pâte à modeler afin qu'il n'attendissent pas trop longtemps. A vrai dire, je faisais de mon mieux pour soulager mes deux compagnes, mais je n'étais pas des plus efficaces avec la bouille adorable qui était juste sous mon nez.

Lian s'amusa de la réaction de la médecin. Elle savait en voyant les yeux pétillants de la jeune femme que tenir son fils était un vrai plaisir. La chef des rebelles sourit à Min Ha et la laissa s'éloigner. Lian put enfin rejoindre sa soeur qui venait de proposer une nouvelle activité. Bien que les banderoles étaient la mission assignée, elle pouvait comprendre qu'une autre plus amusant était la bienvenue. La dessinatrice s'approcha de Thien Hou et lui prit la main délicatement pour qu'elle se tourne.

« Toi et les enfants...heureusement que Shaiwei est là pour t'entrainer de temps en temps. » Lian lui frotta la tête doucement légèrement amusée.

Elle s'installa sur une chaise et s'empara ensuite de pâte, elle fit rapidement une jolie sculpture formant petit à petit un arbre et des oiseaux accrochés dessus. Les enfants avaient arrêté pendant ces minutes de s'agiter, ils étaient très attentifs à l'oeuvre de la professeure. Quand elle eut fini, Lian reçut des exclamations impressionnées. Elle se leva et leur demanda de faire la même chose s'ils le voulaient. Ce qu'ils firent rapidement. Elle se remit près de Thien Hou.

« Pratique d'être artiste n'est-ce pas? Shaiming aimait ça...» Lian secoua un peu la tête pour ne pas penser à son défunt mari, même si la plupart du temps, il était dans son esprit à chaque pensée.
« Min Ha tout va bien? Dites le moi s'il vous embête. »

Ce n'était que par politesse qu'elle disait ça, vu la passion dans les yeux de la jeune femme.